Après la crise des retraites qui a cristallisé les tensions entre l’exécutif et les organisations syndicales, Olivier Dussopt, le ministre du travail, a tenté d’ouvrir un nouveau chapitre, en dévoilant, avant-hier, lors d’une conférence de presse, les chantiers en cours. Voilà un an qu’il occupe le poste de ministre du travail. Avec dans son viseur d’ici à 2027 l’objectif « du plein emploi et du bon emploi pour tous ».
Un troisième projet de loi travail, début 2024
En tête des priorités : l’emploi des seniors. Le gouvernement s’apprête à transmettre un document d’orientation aux partenaires sociaux en vue d’une négociation d’un accord national interprofessionnel qui pourrait aboutir « d’ici à la fin de l’année ». Pour déminer les éventuelles réticences, le ministre a assuré que ce document ne serait pas « corsetant » mais engloberait l’ensemble des questions relatives à cette tranche d’âge.
S’il s’est dit peu favorable à des exonérations de cotisations d’assurance chômage, réclamées par les organisations patronales – cette mesure pourrait selon lui créer des « effets d’aubaine potentielles » – la feuille de route devrait intégrer les dispositifs retoqués par le Conseil constitutionnel (Index et CDI seniors) mais aussi inclure les questions des conditions de travail, d’indemnisation d’assurance chômage, d’usure professionnelle et de transitions emploi-retraite.
Il s’est aussi engagé à retranscrire l’accord des partenaires sociaux. Lequel pourrait être transposé dans un troisième projet de loi travail, début 2024.
Opérations de testings pour mesurer les discriminations fondées sur l’âge
Des dispositifs suffisants pour inverser la tendance ? Encourageant les entreprises à changer leurs méthodes de recrutement, en activant, par exemple, des embauches sans CV ou les mises en situation, le ministre du travail a annoncé des testings annuels, réalisées par des universitaires, dès cette année pour lutter contre les discriminations fondées sur l’âge. « L’objectif n’est pas de faire du name & shame (« nommer et faire honte »), de la stigmatisation mais de mesurer (…) les biais et les stéréotypes peuvent freiner l’emploi des seniors », a argué Olivier Dussopt en précisant qu’une proposition de loi sur la lutte contre les discriminations serait déposée prochainement par Marc Ferracci, député du groupe Renaissance, le parti présidentiel, pour « faciliter ces testings ».
Autre chantier : la négociation d’une nouvelle convention d’assurance chômage d’ici le 31 décembre 2023, les règles en vigueur arrivant à échéance fin 2023.
Renouveler le Plan d’investissement dans les compétences
Par ailleurs, il souhaite donner une place de premier choix à la formation. D’une part, via les réformes des lycées professionnels et de la valorisation des acquis de l’expérience. D’autre part, en renouvelant le Plan d’un investissement dans les compétences, lancé en 2018, en ouvrant cette fois le dispositif à un public plus large (titulaires d’un bac +2, contre infra bac jusqu’ici).
S’agissant de l’emploi de jeunes, Olivier Dussopt compte cibler les Neets* (des jeunes sans emploi, ni formation) qui constituent jusqu’ici les parents pauvres des politiques de réinsertion. Pour leur mettre un pied à l’étrier, il a annoncé le lancement d’un appel à projets sur ces jeunes « en grande difficulté » (jeunes de l’Aide sociale à l’enfance, en rupture familiale ou souffrant d’addictions).
Le partage de la valeur au menu du Conseil des ministres aujourd’hui
Surtout, pour tourner la page des retraites et prouver sa détermination à renouer le dialogue, Olivier Dussport a évoqué le « nouveau pacte de la vie au travail », avec l’idée de « travailler mieux ». A ce titre, il a évoqué, en sus de l’ANI santé au travai de 2021, la présentation aujourd’hui en Conseil des ministres du projet de loi sur le partage de la valeur qui transpose l’accord scellé par les partenaires sociaux le 10 février dernier. A quelques différences près : la nouvelle version prévoit que le caractère exceptionnel des résultats déclenchant un versement d’intéressement, de participation complémentaire, d’un abondement au PEE ou au PER, ne soit plus laissé à la seule main de l’employeur mais « renvoyé à négociation dans l’entreprise ». Une « amélioration » qui permettrait de passer, selon le ministre, sous les fourches caudines du conseil d’Etat. En outre, le texte ne devrait plus faire référence au principe de non-substitution des primes par rapport au salaire, ce dernier étant déjà acté par la loi.
Pour les autres modifications, Olivier Dussopt joue la prudence : le gouvernement ne les défendra qu’à condition « qu’elles fassent l’objet d’un consensus entre les organisations syndicales patronales signataires de l’ANI ».
Pas question toutefois d’ouvrir le dossier sur la révision des ordonnances travail de 2017, comme l’ont demandé unanimement les syndicats lors des rencontres avec Elisabeth Borne, la semaine dernière. En revanche, d’autres sujets pourraient faire leur entrée dans l’agenda social, à l’instar des négociations salariales et des minima conventionnels ainsi que la question des parcours syndicaux.
Enfin, le programme du ministre devrait comprendre la prévention des accidents graves et mortelles. Un plan ad hoc devrait être présenté dans les prochaines semaines.
(*) Neither in employment, education or training (littéralement ni en emploi, ni en études, ni en alternance).
Préretraites maison : « Aucune personne ne pourra être rappelée par son employeur » |
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Quel sera l’impact de la réforme des retraites sur les dispositifs maisons des entreprises, préretraite ou compte épargne temps, qui permettent à des salariés de partir plus tôt à la retraite ? Olivier Dussopt a affirmé mardi, qu’aucune personne ne « pouvait être rappelée » par son employeur pour jouer les prolongations au travail. Il s’agit principalement de personnes qui bénéficient d’un CET, de congés spécifiques de fin d’activité voire de personnes inscrites dans des plans de départs volontaires. Une centaine de cas serait ainsi identifiée, principalement de grandes entreprises « pour lesquelles une différence de quelques semaines n’est pas toujours significative ». A charge pour ces dernières de proroger les dispositifs jusqu’au nouvel âge légal de départ légal ou de verser un abondement au congé spécifique d’activité, via la négociation ou par décision unilatérale. |