Les sanctions sont tombées. Le gendarme allemand des auditeurs comptables, l’Apas (Abschlussprueferaufsichtsstelle beim Bundesamt fuer Wirtschaft und Ausfuhrkontrolle), inflige deux sanctions à l’encontre du contrôleur légal des comptes de Wirecard. Société de la fintech, Wirecard était cotée au German Dax index 30. Elle a déposé le bilan en 2020 à la suite de la divulgation d’une fraude comptable de 1,9 milliard d’euros. Ernst & Young GmbH Wirtschaftsprüfungsgesellschaf, l’unique auditeur légal des comptes du groupe Wirecard AG et de la société Wirecard AG depuis 2011, est mis en cause dans cette affaire. Même si, à aucun moment, l’Apas n’associe explicitement le nom EY ou Ernst & Young aux sanctions divulguées au public.
Interdiction d’exercer de nouveaux mandats EIP pendant deux ans
La première sanction prononcée contre ce cabinet est une amende de 500 000 euros. La seconde est une interdiction d’exercice pendant deux ans de certaines nouvelles missions. Pendant cette période, EY Allemagne n’aura pas le droit d’exercer des missions d’audit issues de nouveaux contrats auprès d’entités d’intérêt public.
Quelles sont les raisons qui justifient ces décisions ? « Il y a eu des manquements aux obligations professionnelles concernant les audits 2016-2018 de Wirecard AG et Wirecard Bank AG », se contente de justifier l’Apas. Contacté, le cabinet ne fait pas de commentaire sur cette actualité. « EY Allemagne n’a pas obtenu les détails complets des conclusions de l’Apas lesquelles seront attentivement examinées une fois finalisées et officiellement communiquées », nous répond-il. Et il ajoute : « EY Allemagne a pleinement coopéré avec l’Apas tout au long de son enquête. Nous regrettons que la fraude collusoire chez Wirecard n’ait pas été découverte plus tôt et nous avons tiré des leçons importantes de cette affaire » (lire ci-dessous la réponse complète que nous a adressée EY).
Le cabinet d’audit va-t-il faire appel de cette décision ? Sollicitée aussi sur cette question, il ne nous a pas répondu.
Des personnes physiques sanctionnées
Dans cette affaire, l’Apas a également sanctionné 5 auditeurs par des amendes allant de 23 000 à 300 000 euros. Là encore, le nom des personnes concernées n’est pas publié. « Le superviseur de l’audit n’est pas légalement autorisé à divulguer le nom des personnes faisant l’objet de mesures disciplinaires », justifie l’Apas. Cela explique-t-il que le nom d’EY ne soit pas publié alors que ce cabinet est identifiable dans cette affaire ?
La directive sur le contrôle légal des comptes (article 30 de la directive 2006/43/CE) impose que « les États membres prévoient que les mesures prises et les sanctions prononcées à l’égard d’un contrôleur légal des comptes [il s’agit, dans la directive, d’une personne physique agréée] ou d’un cabinet d’audit sont dûment rendues publiques. Les États membres peuvent décider que les informations rendues publiques ne contiennent pas de données à caractère personnel au sens de l’article 2, point a), de la directive 95/46/CE ».
De plus, certaines situations imposent d’anonymiser la publication de la sanction (article 30 quater de la directive 2006/43/CE). C’est notamment le cas lorsque la publication des données à caractère personnel serait disproportionnée. On peut toutefois remarquer que la mission de contrôle légal des comptes est, quelle que soit l’entité auditée, une activité exposée au public. Ce qui revient à dire que le droit à l’information est également le jeu — le fait que Wirecard soit une entité d’intérêt public au sens du contrôle légal des comptes ne change pas fondamentalement la donne au regard du droit à l’information. Bref, ce scandale comptable pose aussi une question d’ordre démocratique.
Sanctions de l’Apas : ce que nous répond EY Allemagne
Nous avons contacté EY Allemagne, suite à la décision de l’Apas de sanctionner le cabinet d’audit des comptes 2016-2018 de Wirecard AG et Wirecard bank AG, afin de répondre aux questions suivantes : – EY trouve-t-il justifié les décisions de l’Apas ? Voici ce que EY nous a répondu : « Bien que nous ne répondions pas et ne puissions pas répondre à vos questions spécifiques, j’ai joint notre déclaration générale aux médias concernant ce sujet. Nous sommes conscients que l’Apas a conclu son enquête. EY Allemagne n’a pas reçu tous les détails des conclusions de l’Apas, qui seront examinées attentivement lorsqu’elles seront finalisées et officiellement communiquées. EY Allemagne a pleinement coopéré avec l’Apas tout au long de son enquête. Nous regrettons que la fraude collusoire chez Wirecard n’ait pas été découverte plus tôt, et nous avons tiré des leçons importantes de cette affaire. Il est important de noter qu’EY Allemagne est une organisation différente aujourd’hui. Depuis 2020, nous avons engagé des actions significatives pour renforcer la qualité de l’audit et la gestion des risques ; nous avons tiré parti des technologies les plus récentes, déployé des évaluations améliorées des risques de fraude et mis davantage l’accent sur le risque de fraude ; nous avons mis en place une nouvelle équipe de direction et des structures de supervision. Nous cherchons continuellement à nous améliorer pour fournir des services de qualité aux clients d’EY. Il est trop tôt pour juger de notre réaction car nous n’avons pas encore de document écrit ». |