En France, le risque d’un « grand désengagement » plutôt que d’une « grande démission »


Pas de « signaux faibles » de « grande démission »

« La situation en France et aux Etats-Unis n’est pas comparable, et notamment grâce au dialogue social et à notre droit du travail, estime Sylvie Peretti, membre du comité exécutif en charge des relations humaines et de l’organisation chez Generali. « En France, on porte une attention particulière à la gestion du capital humain, aux politiques RH innovantes et aux dynamiques collectives. Nos politiques de formation professionnelle sont très intensives et adaptées, nous travaillons sur l’employabilité de nos collaborateurs et nous portons une attention managériale. Le management de proximité a d’ailleurs été très présent pendant la crise, ce qui n’est pas le cas forcément aux Etats-Unis où la relation contractuelle est beaucoup plus distanciée ». Selon elle, « il n’y a [donc] pas de signaux faibles de grande démission. Les enjeux [en France] sont différents : il faut gérer plusieurs générations avec des attentes différentes auxquelles il faut répondre car il y a une pénurie de compétences, une guerre des talents. C’est un enjeu pour les entreprises et le dialogue social ».

Le « grand désengagement » et le « grand questionnement » 

Pour Benoît Serre, vice-président délégué de l’ANDRH, « la grande démission en France prend une forme de grand désengagement car le marché du travail français est beaucoup moins fluide que le marché du travail américain. Depuis des années, les entreprises courent après la QVT, l’équilibre vie professionnelle/vie privée ; or, c’est un combat d’avant. Les jeunes disent qu’ils ne demandent pas qu’on se mêle de leur vie mais qu’on leur permette de définir leur propre équilibre ». D’ailleurs, souligne-t-il, « les jeunes ne se sentent parfois pas représentés par les représentants du personnel car leurs combats ne sont pas les leurs ».

Pour Jean-Dominique Simonpoli, fondateur de l’Association Dialogues et senior advisor LHH, « c’est le grand questionnement plutôt que la grande démission. Nous sommes face à une génération qui a un grand questionnement sur l’intérêt porté au travail, sur son sens, sur le sens même de l’activité de l’entreprise elle-même, notamment si elle fait mal à la planète. Le sens du travail est d’ailleurs l’un des aspects de la négociation collective. Il reste beaucoup de progrès à faire pour construire des collectifs qui tiennent compte de l’ensemble de ces réalités et mieux articuler les dimensions collectives et les dimensions individuelles ». *La question selon lui est avant tout de savoir « comment récréer du collectif à partir de la montée des individualités ». 

D’un dialogue social à un dialogue sociétal

« L’individualisme, les cultures et attentes portées individuellement sont une dimension importante pour le dialogue social, insiste pour sa part Marie Bouny, co-directrice de l’activité stratégie & performance sociale chez LHH. Il faut passer d’un dialogue social à un dialogue sociétal [selon les termes de Jean-Emmanuel Ray]. Un des leviers est de faire du dialogue social l’affaire de tous. La boite noire que constitue le dialogue social entre les partenaires sociaux devient de plus en plus complexe à porter ».

Elle s’interroge également sur la nécessité de « prévoir des avantages à la carte. Il y a cependant plusieurs écueils : « le risque de fragiliser le collectif, de fragiliser le modèle social et la nécessité d’avoir des outils de gestion très forts ; or, toutes les entreprises n’ont pas les outils pour individualiser leurs modèles sociaux », constate-t-elle. 

 



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