La crise sanitaire a augmenté l’endettement brut des entreprises. Notamment du fait des prêts garantis par l’Etat. Selon le gouvernement, 136 milliards d’euros auraient été distribués par ce canal (données au 16 avril 2021), essentiellement en 2020. Conséquence : les ratios d’endettement des emprunteurs risquent d’être détériorés — à moins que leurs capitaux propres n’aient augmenté dans les mêmes proportions que leurs dettes et/ou que l’éventuelle augmentation de leur trésorerie n’ait compensé la hausse de leur endettement brut.
Demandes d’isolement de la dette Covid
Dans ce contexte, certains ont demandé d’isoler les dettes Covid. Mais encore faut-il que les comptes annuels des entreprises mettent en évidence les PGE, les reports de dettes fiscales et sociales provoqués par la crise. Dans ses recommandations liées à la Covid-19, pour les comptes en normes françaises établis à partir du 1er janvier 2020, l’autorité des normes comptables (ANC) indique d’ailleurs la nécessité de mettre en évidence cet évènement car celui-ci constitue un fait pertinent dont l’incidence doit être identifiée. Elle précise que les entreprises doivent effectuer des enregistrements appropriés au bilan et au compte de résultat (reconnaissance et évaluation des actifs, des passifs, des charges et des produits) sans pour autant y fournir d’information en lecture directe sur l’incidence de cette crise d’origine sanitaire.
Pour l’ANC, l’information pertinente sur les conséquences de l’évènement Covid-19 sur la situation financière, le patrimoine et le résultat doit être donnée dans l’annexe des comptes. Bref, il semble a priori difficile que les PGE, ces prêts destinés à soutenir la trésorerie des entreprises qui sont classés comptablement dans les emprunts, comme les dettes fiscales ou sociales reportées du fait de la crise apparaissent distinctement au bilan. Ce qui revient à dire que ces dettes ne peuvent être isolées que dans l’annexe, comme le préconise l’ANC.
Alignement du CSOEC
Cette semaine, le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables, qui souhaite lui aussi isoler comptablement ces dettes Covid, s’est à son tourprononcé sur ce sujet. Selon lui, il est impossible de présenter au bilan distinctement ces ressources notamment parce que le règlement ANC n° 2014-03 ne permet pas de créer au passif une nouvelle ligne de dette liée à la Covid-19. Pour lui aussi, il faut recourir à l’annexe pour présenter distinctement ces dettes. Le CSOEC apporte toutefois un avis complémentaire, celui de « l’établissement d’un tableau additionnel récapitulant les effets des augmentations de postes de dettes (qu’il s’agisse de dettes nouvelles comme le PGE ou d’augmentations de dettes générées par l’obtention d’un report de paiement) ».
Quid des micro-entreprises dispensées d’annexe ?
Deux questions restent posées. Premièrement, les parties prenantes telles que la Banque de France, les établissements financiers ou encore les fournisseurs des entreprises prendront-ils en compte cet isolement dans l’annexe de la dette Covid ? Deuxièmement, les entreprises vont-elles percevoir l’intérêt de ce travail supplémentaire ? Une question qui se pose notamment à celles, nombreuses, qui sont dispensées d’établir l’annexe. Il s’agit des micro-entreprises (sauf exceptions), c’est à dire les entreprises qui ne dépassent pas deux des seuils suivants : 700 000 euros de chiffre d’affaires, 350 000 euros de bilan et 10 salariés (article D 123-200 du code de commerce). Bref, la crise ébranle la tendance structurelle à développer l’opacité comptable. Une tendance initiée sous le quinquennat de François Hollande et qu’Emmanuel Macron, devenu président de la République, a poursuivie.